Bonjour à toute la troupe,

J’ai assisté, hier soir à La Clayette, à votre spectacle “Oraison”.

Cette heure passée avec vous m’a fait un bien immense. J’éprouve le besoin de vous faire partager mes ressentis.

Je suis touchée parce que je me suis vue, telle que je suis, avec moi aussi, cette part d’ombre, de douleur, de révolte, de violence que je suis si prompte à dénoncer chez les autres.

Je suis touchée que des artistes partent à la recherche de cette part d’ombre, sans oublier de montrer la quête de lumière, de vérité, de beauté malgré cette noirceur native. La descente de l’ange blanc

qui vient à la fois tomber et se prosterner peut être… m’a éblouie. Nous sommes tous cet ange à la recherche de la lumière. Nous sommes tous des fildeféristes à la recherche de l’équilibre, et jamais cela ne m’a paru aussi vrai que ce soir. Tout, dans la scénographie, comme dans les tableaux, m’a paru subtil, parfait, vrai, assumé, incarné.  

Enfant, (j’ai aujourd’hui 62 ans), j’ai à la fois aimé et détesté la piste aux étoiles. C’était trop parfait, faux, mensonger, donc complètement obscène. Il y avait trop d’écart entre le discours enthousiaste et tonitruant du présentateur et son apparence si triste et si fatiguée. Je sentais confusément que quelque chose ne collait pas entre ce discours et les poches sous les yeux. Ce quelque chose d’éraillé dans la voix trahissait pour moi une forme de déréliction que je ne savais pas nommer… Il me semblait que toutes ces étoiles s’agitant là sur la scène ou dans les airs, malgré tous leurs efforts, ne pourraient jamais retrouver le fil qui les avait fait descendre des nues. Malgré cela ou à cause de cela, je remercie Roger et sa piste car elle parlait quand même des étoiles. Elle m’a fait aimer le cirque et je suis tellement heureuse de voir aujourd’hui des artistes  capables de sortir de tous ces anciens poncifs avec autant de subtilité et de joie communicative, et cela, sans vraiment trahir les étoiles qui les ont précédées.

Le numéro du mentaliste était parfait, plein d’humour et de vérité, et, je crois, à ‘image de ce que je tente d’exprimer maintenant. 

Que venons-nous chercher nous les spectateurs quand nous nous mettons en lien avec vous ?

Bien sûr, vous connaissant, je n’ai pas été dupe de cette trop joyeuse entrée disco, mais je n’oublierai jamais cette entrée sous le chapiteau qui renoue avec le faux et l’obscène de notre condition d’homme à la recherche de distraction.

Le final, c’était au delà du beau, du magique, du merveilleux, c’était beau et grave. Comme un tableau de Magritte sous la lune et les étoiles. Je n’oublierai jamais cet enfant et sa grand mère, immobiles, la caravane éclairée au loin. Cela a eu un sens profond pour moi de vous voir revêtir vos vêtements de lumière et d’artiste, à la fin du spectacle, de vous voir rejoindre ceux qui vous attendaient, à l’extérieur. 

Vous étiez comme des étoiles rendues à la liberté, et je n’ai pas ressenti cette légère frustration éprouvée parfois, à la fin d’un spectacle, même si celle ci se fait par paliers, en douceur et avec des rappels.

Je suis rentrée chez moi le cœur plus léger et rempli de gratitude.

Vraiment je vous remercie Marie, et vous tous, toute la troupe.

Michèle
Vendredi 11 octobre 2019 à la Clayette