Vous écrire, avant que la vraie vie ne me reprenne, à quel point je vous ai trouvés beaux et puissants et légers et gracieux et touchants.

Mes élèves aussi s’étaient faits beaux… Pensez : sortir ! le soir ! J’avais d’ailleurs servi mon baratin habituel (respect de la concentration des artistes, des spectateurs, de soi…) ; j’avais bien sûr prévu les gardes rapprochées d’untel et de telle autre ; je comptais pédagogiquement sur un lendemain d’expression écrite avec un sujet sur le cirque et la poésie… Bref, j’étais complètement à côté de la plaque !

De fait, vous nous avez accueillis, cueillis. Le lendemain, on a passé une heure à SE PARLER du spectacle et – voyez-vous cela ?- ils veulent VOUS ECRIRE.

Chez vous, chacun a trouvé sa place, en toute liberté, les yeux rivés pareil, les bouches entrouvertes. J’étais partie avec 50 ados et 4 collègues et nous nous sommes retrouvés 55 gamins, à marcher dans toutes vos combines (ce dernier verre, sérieusement, il était tout de travers : ça ne devait pas tenir !). On n’avait plus vraiment envie de rentrer, bien au chaud qu’on était, là, sous votre chapiteau, comme en famille, un peu comme dans un ventre.

Chez vous, il n’a pas été question de respect : ils regardaient, ils vous absorbaient, ils se jetaient des regards complices et des ” T’as vu ? “, ” Regarde ! Là ! “.
J’ai découvert Sinan, toujours éteint, alors complètement présent, dedans, et qui souriait encore en rejoignant le bus ;
Samir, Jojo-gros-bras, fasciné et incrédule ;
les gazelles, celles qui préfèrent ” sortir en boîte “, pressées de retrouver leur place après l’entracte ;
Adrien, qui craignait ” les gitans ” quand on lui parlait de musique tzigane, ébahi par le clown qui venait de le frôler et répétant ” Je l’ai senti ! Il m’a touché ! “, Fier comme tout… Quant aux collègues : l’un est sorti hilare, l’autre admiratif et nous, pauvres femmes, béates !

Voilà, ce soir-là, vous nous avez rendus beaux, plus légers, si touchants : merci.

Emmanuelle Savin
professeur au collège Jean de la Fontaine de Saint-Avold
15-12-2006 à Forbach