Alors que le nouveau cirque s’invite au théâtre et abandonne la piste, la troupe de théâtre des Rasposo retourne aux origines et plante son chapiteau. Est-ce par nostalgie de la vie des saltimbanques de jadis, ou simplement pour retrouver cette proximité rare avec le public, qu’ils frôlent de leurs acrobaties? Quoiqu’il en soit le pari est gagné, ce spectacle de deux heures passe comme un éclair dans une chaude intimité.

On se souvient de « Parfum d’Est » il y a deux ans, sous ce même chapiteau à l’ancienne, planté dans ce même Palio,  arène moderne de béton pour célébrer un rite antique.

Les musiciens tziganes sont toujours là mais plus jazz manouche mâtiné de New Orleans, ainsi que le clown benêt acrobate de corde molle.

Il y a de nouveaux venus et les mêmes ingrédients qui ont fait le succès de leur évocation d’un cirque tzigane. On retrouve les comédiens, les acrobates, les virtuoses de la balançoire russe, du mât chinois et la belle danseuse de corde, mais c’est complètement différent. C’est du théâtre et du cirque, l’évocation de la vie d’artiste avec ses gloires illusoires et ses misères réelles, la jouissance tribale d’être toujours ensemble et le huis clos de la troupe, jusqu’à l’étouffement.

C’est la liberté d’aller où le désir vous porte et la dépendance des subventions qu’on vous accorde chichement, les fins de mois difficiles. C’est la grâce de la danseuse de corde et la légèreté de l’aérienne, mais aussi la difficulté d’être une fille sans cesse sous le regard de tous, l’intimité impossible.

Alors ce chant du dindon est à la fois virtuose, joyeux et triste, il montre la lumière et la face cachée. Mené sans temps morts, le spectacle dégénère en pagaille délirante imitée des mille et une nuits, sous un lampadaire pendulaire de palais d’orient. Même le dindon est là, qui ne sait pas ce qu’il y fait et nous non plus, si ce n’est peut-être justifier le titre énigmatique de ce spectacle magnifique.

Le public était au rendez vous malgré le mistral glacial, c’était la dernière des Élancées, la fête est finie, les baladins s’éloignent le long des chemins.

Peut-être reviendront-ils? On les attend déjà.

Jean Barak
10-02-2010 à Istres